L’Olan à 360°

Le 24.08.2022, par RomainV-441, 7 commentaires


Récit par Enki de notre traversée de l'Olan : départ de Font Turbat, arête N et descente par la voie Escarra, retour à Font Turbat dans la foulée par le pas de l'Olan et le Col Turbat.

Il y avait bien eu quelques messages subliminaux suggérant que ça allait être une belle traversée, sans doute un peu longue, avait dit Charly sur la route. On verra bien dans quel état on sera samedi soir, avait-il ajouté. Oui, parce que nous avions aussi au programme l’arête nord du Pic Turbat pour le dimanche.

Arrivée au parking du Désert en Valjouffrey vendredi vers 13h, la fine équipe, composée de Flore, Madani, Enki et de nos encadrants, Romain et Charly, commence par faire connaissance autour d’un casse dalle puis entame la jolie montée vers le refuge de Font Turbat. Rien de difficile : 900m de D+ très progressifs. Il faudra 2h assure Romain. Nous en mettrons 3, mais le paysage incroyable qui se dévoile à mesure que l’on s’enfonce dans la vallée nous fait oublier cette première (parce qu’il y en aura d’autres !) petite imprécision… Face à nous, l’Olan nous toise de son insolente, verticale et sombre face nord de 1100m qui bouche l’horizon. Nous arrivons au refuge à 17h.

Montée au refuge

Le temps de faire sécher quelques affaires, d’avaler une tarte à la myrtille et de préparer les sacs, il est l’heure de faire le point sur le lendemain autour d’un (ou de plusieurs) bols de soupe. Le départ est fixé à 4h : il paraît que c’est long… On se penche sur les topos, on fixe des tops horaires à respecter, avant que toute l’attention du groupe se concentre sur la possibilité d’avoir un nouveau saladier de soupe, jaune cette fois-ci, parce qu’il faut bien goûter ! Un groupe derrière nous semble peu en appétit : ils ont à peine entamé leur soupe. Madani, à l’affût, ne laisse pas filer la proie et rapidement le plat est vidé avec l’aide de Charly et d’Enki. Faut pas gâcher ! Après une très bonne viande en sauce et une part de gâteau, le groupe repu s’installe sur les tables et se laisse bercer un moment par les chansons en italien, provençal et autres patois proposées par deux artistes de la vallée, avant d’aller trouver un précieux réconfort dans le sommeil.

Concert d'après dîner

À 4h, après une bonne nuit, l’équipe est prête, le ventre bien rempli d’un sublime petit déjeuner (gâteau à la semoule, yaourt et confitures maison, s’il vous plaît !). Deux groupes nous précédent de quelques minutes sur le chemin qui zigzague un moment en direction du lac du Pissou, à 2600m, avant de se redresser dans des pierriers assez infâmes. On trouve rapidement la vire de départ, guidé par Romain, connaisseur des lieux. On s’encorde, on purge quelques blocs et c’est parti ! Toute la première partie de la course est facile : pas besoin de protéger, c’est de la rando sauvage. On arrive à la brèche carrée, qui se dessine dans le ciel, puis on remonte la diaclase, fascinante autoroute pour alpinistes à flanc de montagne. Mécontents d’être réveillés si tôt, quelques bouquetins visiblement pas du matin font partir quelques jolis blocs (de beaux microondes). Ceux-là, valait mieux pas se les prendre sur le museau ! Quelques pas d’escalade sur du rocher bien pourri (comment tu protèges ça, il y a tout qui bouge !) plus tard, on débouche sur le rasoir qui rejoint le départ de l’arête nord.

Quelques pas d'escalade après la diaclase

Accueillis par le soleil, nous avons tout le loisir de contempler la terrible face nord de l’Olan et le vallon de Turbat à notre droite, tandis qu’à notre gauche, celui de la Lavey, majestueux, ouvre sur le nord des Écrins. Bientôt, nous attaquons notre arête, dans laquelle nous progressons rapidement. Le rocher est bien meilleur et les pas s’enchainent. Nous atteignons le sommet à 10h15 et tombons sur deux Marseillais montés par la voie Escara, en plein casse-croute.

Sommet

Le temps de grignoter, de prendre une photo, nous revoilà repartis pour une belle désescalade. Nous sommes dans les temps. Mais il faut négocier quelques passages très aériens où l’arête tient dans la main, puis on atteint la brèche Escara, par laquelle on entame la descente verticale mais moins impressionnante sur le glacier de l’Olan.

Descente de la Voie Escarra

Au fond, on distingue le refuge de l’Olan ; un maigre réconfort, puisque notre plan consiste à revenir à notre de point départ. Traverser pour traverser, à quoi bon ? Nous, on veut plus ! Personne n’est rassasié de cols à passer.

Rappels de descente, la Chapelle en Valgaudemar tout en bas

Après 4 rappels, on atterrit sur le glacier, bien ouvert. Heureusement, l’itinéraire, qui louvoie entre les plaies béantes de glace, est facile à suivre. Madani s’offre une petite glissade improvisée et nous invite à réviser le béaba de l’enrayage d’une chute. Puis nous revoilà de retour sur le caillou. La course d’alpinisme est terminée. Pas la journée en revanche.

Le glacier de l'Olan

Romain calcule : on descend un peu sur la droite, et on remonte par le col qui se dévoile sur la droite. Le moral est bon : allons-y gaiement. Dans la montée, les cuisses commencent à tirer un peu, mais bientôt nous verrons notre vallon. Pourtant, arrivés au col, nous réalisons que nous ne sommes qu’au pas de l’Olan, qui redescend sur 300m dans un nouveau vallon. Ensuite, il faudra remonter 300m, au fond à droite et on arrivera au col Turbat. On voit le chemin : c’est l’abattement. Flore et Enki, persuadés qu’ils étaient arrivés au col Turbat, se lamentent. Romain avance devant, silencieux. On sera au col dans 2h nous a-t-il dit. La descente est douloureuse. On commence à se demander pourquoi on n’a pas chargé les chaussures de rando dans le sac. Remonter casse le rythme et redonne presque de l’élan. Le chemin est difficile à suivre : on marche dans une espèce de prairie qui s’arrête net et laisse place à un immense et infâme pierrier. Quelques râles de fatigue s’élèvent, de plus en plus réguliers. Il semblerait que tout le monde commence à en avoir marre. Croiser quelques bouts de la carlingue des 2 avions de chasse qui se sont écrasés sur le col en 1986 nous laisse même de marbre ; c’est dire ! Après avoir grimpé dans la cheminée qui débouche sur le col Turbat, nous arrivons en vue de notre vallon. Nous avons mis plus de 3h. Il est 18h. Romain contacte le refuge pour prévenir que nous serons là dans 45m. La descente, c’est de la gnognote. Mais les cuisses sont brûlantes, les pieds appellent à l’aide, compressés depuis 4h du matin dans les grosses, et le moral décline à vue d’œil. Chacun met en pause le cerveau et entame la marche vers le repas, devenu l’unique objectif du groupe. L’inquiétude est d’ailleurs palpable chez certain : restera-t-il à manger si nous arrivons en retard ? Il y a urgence ! Nous suivons un joli sentier qui serpente dans des dalles qui semblaient infranchissables depuis le refuge, avant de déboucher dans les impressionnants pierriers au pied de la face nord, et de remonter vers le refuge. L’Olan, nous aurons donc vraiment pu l’observer sous toutes ses coutures ! Belle montagne c’est vrai, mais dont on finit presque par se lasser après 15h30 à tourner autour…

Le drapeau salvateur

À la vue du drapeau du CAF, tout proche, flottant au-dessus du refuge, Madani, sans doute saisit par l’émotion, fera étalage de ses talents de polyglotte, lâchant quelques injures peu orthodoxes en diverses langues. Il est 19h30. Le soulagement est intense. On pose en vrac nos affaires à sécher et on s’étale sur une table avec une bière, avant d’accueillir en triomphe le saladier de soupe. La gardienne a retardé le repas d’une grosse heure en partie pour nous ! Viendra ensuite un plat de viande grillée avec la polenta, des pruneaux confits et des légumes mijotés. Plus rien ne nous arrête. Nous engloutissons notre portion, le rab, le fromage, le dessert, avant de convenir que nous ferions bien d’abandonner notre projet du lendemain. Le caillou, on a eu notre dose… À 22h30, tout le monde est couché, rincé.

Fin du dîner

Dimanche, après une bonne nuit de repos et une partie de la matinée à observer au télescope une cordée partie dans la voie Couzy-Desmaison (ça rigole pas : 6b sur coinceur obligé), on redescend, non sans s’arrêter pour acheter quelques fromages au village. Au parking, Romain sort la table de camping, les chaises et la cafetière, avant de concéder qu’il faut qu’il soit un peu plus précis dans l’énoncé des horaires. Installés à l’ombre, on déguste nos fromages saupoudrés de poivre, fourbus, ravis de notre sortie, convaincus qu’une traversée sans revenir au point de départ, ça vaut vraiment pas le coup !


Observation de la face nord

Enki et toute l’équipe


 

L'alpinisme se pratique principalement au printemps-été de mai à septembre (le rocher doit être suffisamment sec pour les courses d'arêtes... et les glaciers pas trop crevassés... et les refuges sont alors gardés); voire plus tôt en moyenne montagne.
En hiver l'alpinisme est tout de même bien présent sous forme de cascade de glace ou de goulotte-mixte.

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